Rôles respectifs du Juge affaires Familiales et du Juge des Enfants
La Cour de Cassation, dans un arrêt du 20 octobre 2021 procède à un revirement de jurisprudence en jugeant que “lorsqu’un juge aux affaires familiales a statué sur la résidence de l’enfant et fixé le droit de visite et d’hébergement de l’autre parent, le juge des enfants, saisi postérieurement à cette décision, ne peut modifier les modalités du droit de visite et d’hébergement décidé par le juge aux affaires familiales que s’il existe une décision de placement de l’enfant au sens de l’article 375-3 du code civil, laquelle ne peut conduire le juge des enfants à placer l’enfant chez le parent qui dispose déjà d’une décision du juge aux affaires familiales fixant la résidence de l’enfant à son domicile, et si un fait nouveau de nature à entraîner un danger pour le mineur s’est révélé postérieurement à la décision du juge aux affaires familiales” – Civ. 1re, 20 oct. 2021, FS-B+R, n° 19-26.152
Dans cette affaire, un juge aux affaires familiales a prononcé le divorce et fixé la résidence de l’enfant au domicile de son père, accordant à sa mère un droit de visite et d’hébergement. Quelques mois plus tard, un juge des enfants a ordonné une mesure d’assistance éducative en milieu ouvert au bénéfice de l’enfant et, par jugement ultérieur, a confié ce dernier à son père en accordant à sa mère un droit de visite médiatisé jusqu’à la prochaine décision du juge aux affaires familiales. En appel, le jugement a été infirmé au motif que seul le juge aux affaires familiales pouvait statuer sur le droit de visite et d’hébergement de la mère.
Un pourvoi en cassation a été formé. La question posée était la suivante : lorsque, postérieurement à la décision du juge aux affaires familiales sur la résidence de l’enfant, le juge des enfants qui constate une situation de danger pour l’enfant peut-il décider de placer ce dernier chez le parent qui bénéficie déjà de la résidence habituelle ?
La Cour rappelle les dispositions de l’article 375-3 du code civil qui prévoit que « si la protection de l’enfant l’exige, le juge des enfants peut décider de le confier, notamment à l’autre parent (1°) ». Le texte ajoute : « toutefois, lorsqu’une demande en divorce a été présentée ou un jugement de divorce rendu entre les père et mère ou lorsqu’une demande en vue de statuer sur la résidence et les droits de visite afférents à un enfant a été présentée ou une décision rendue entre les père et mère, ces mesures ne peuvent être prises que si un fait nouveau de nature à entraîner un danger pour le mineur s’est révélé postérieurement à la décision statuant sur les modalités de l’exercice de l’autorité parentale ou confiant l’enfant à un tiers. Elles ne peuvent faire obstacle à la faculté qu’aura le juge aux affaires familiales de décider, par application de l’article 373-3, à qui l’enfant devra être confié (…) ».
La Haute juridiction poursuit en énonçant qu’ aux termes de l’article 375-7, alinéa 4, du même code, s’il a été nécessaire de confier l’enfant à une personne ou un établissement, ses parents conservent un droit de correspondance ainsi qu’un droit de visite et d’hébergement. Le juge en fixe les modalités et peut, si l’intérêt de l’enfant l’exige, décider que l’exercice de ces droits, ou de l’un d’eux, est provisoirement suspendu. Il peut également, par décision spécialement motivée, imposer que le droit de visite du ou des parents ne peut être exercé qu’en présence d’un tiers qu’il désigne lorsque l’enfant est confié à une personne ou qui est désigné par l’établissement ou le service auquel l’enfant est confié.
La Haute juridiction considère qu’il apparaît nécessaire de revenir sur la jurisprudence antérieure et de dire qu’il résulte de la combinaison des articles 375-3 et 375-7, alinéa 4, du code civil que, lorsqu’un juge aux affaires familiales a statué sur la résidence de l’enfant et fixé le droit de visite et d’hébergement de l’autre parent, le juge des enfants, saisi postérieurement à cette décision, ne peut modifier les modalités du droit de visite et d’hébergement décidé par le juge aux affaires familiales qu’à deux conditions :
- s’il existe une décision de placement de l’enfant au sens de l’article 375-3, laquelle ne peut conduire le juge des enfants à placer l’enfant chez le parent qui dispose déjà d’une décision du juge aux affaires familiales fixant la résidence de l’enfant à son domicile ;
- si un fait nouveau de nature à entraîner un danger pour le mineur s’est révélé postérieurement à la décision du juge aux affaires familiales.
La solution a le mérite de respecter la lettre des textes cités, en particulier l’article 375-7 du code civil qui conditionne la fixation, par le juge des enfants, du droit de visite et d’hébergement à une mesure de placement.